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Dans une prose simple et prenante, en petits chapitres d'une ou deux pages, Azorín relate son enfance, le collège austère, les prêtres, la mélancolie des villes d'alors, des petites vieilles qui récitent les neuvaines, et les oncles et tantes, tous vieux, tous englués dans les miasmes de la province espagnole. C'est la canicule, les moissons ne vont pas beaucoup donner et il y aura peu de vin.
Sous la plume d'Antonio Azorín, c'est toute l'enfance qui défile, c'est toute la vie qui a pu le nourrir. Le ton de ces quarante-sept chapitres, est tissé de nostalgie, de mélancolie, d'une angoisse indicible. Le « petit philosophe » n'use pas de grands mots ; sa philosophie, c'est la science de vivre au contact des siens, nourri d'une mémoire saine, et des valeurs universelles de bonté et de compréhension.
Les maisons, les lieux, les jardins ont pour lui l'agrément d'une vie solide : les murs parlent, les lieux ont de quoi nous conter, la vaste plaine qui s'étendait aux yeux de l'enfant fatigué au collège est pour lui une raison d'imaginer la vie, de la prolonger par l'esprit.
Il n'est pas important de posséder beaucoup : quelques vignes suffisent à l'oncle Antonio pour faire de lui un homme heureux et généreux. Il accueille souvent chez lui son neveu.
Ce petit livre, qui ressemble à des chroniques familiales, sans la lourdeur des comptes, des conflits ou autres considérations d'économe, nous apprend plus sur l'époque vécue que bien des traités.
Les cloîtres de l'établissement étaient vastes. Les dortoirs étaient situés au second étage. De longues rangées de lits blancs se détachaient sur la blancheur des murs.
(p. 31)
Une fois, dans la première moitié du XIXe siècle, un peintre passa par Yecla et fit le portrait de mon arrière-grand-père paternel. Nous n'avons pas réussi à savoir qui était ce peintre, mais son œuvre est une toile étrange qui a captivé Pio Baroja, le grand admirateur du Greco.
(p. 75)
L'auteur surprend son lecteur par une philosophie du banal, lorsqu'il commente par exemple l'intérêt existentiel des portes et des fenêtres. Il réussit à donner vie à des bouts de bois, parfois vermoulu, et à faire des lieux de vie, enclos de portes et de fenêtres, de véritables morceaux vivants. Et tout cela, dans une prose d'une simplicité souveraine, comme si de rien n'était.
L'épilogue de ce récit de vie boucle un parcours : devenu écrivain, l' « enfant » qu'il fut revient sur les lieux de sa formation, dans ce collège, qui a changé sans tout à fait changer, et il mesure alors le poids des ans, et la sourde mélancolie qui l'inonde.
C'est beau, universel, partageable.
Un très grand livre, quoique les pages soient peu nombreuses.
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