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Les Éditions du Canoë

Tout vaut la peine si l'âme n'est pas petite
Fernando Pessoa

 

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Sisyphe heureux

Spécifications

les mille et un projets de ma vie bâtisseuse

Roland Castro

Genre : autobiographie
Format 12 x 18,5 cm
Pages : 180 p.
ISBN 978-2-490251-40-7
5 mars 2021
18,00 € l'unité


« Je parle d’un tout petit Juif sauvé avec mon père, ma mère et ma soeur par les maquis communistes du Limousin et les habitants de Saint-Léonard-de-Noblat. Ça m’a laissé une dette
imprescriptible par rapport à la République » écrit-il en liminaire de cet essai autobiographique où il raconte sur un ton cash mêlé de gouaille la stupéfiante énergie qui l’a mené à vouloir devenir tout – architecte, écrivain, peintre, philosophe, homme politique, saltimbanque, poète, – depuis sa naissance le 16 octobre 1940 jusqu’à aujourd’hui. Et le plus extraordinaire, c’est qu’il a réussi ! N’est-il pas un des architectes français les plus célèbres ? N’est-il pas un penseur de la ville ? N’est-il pas un dessinateur plein d’humour et de fantaisie ? N’est-il pas un combattant politique acharné pour des espaces urbains vivables pour tous ? N’est-il pas un poète qui veut réenchanter le monde ?
Et saltimbanque, ne l’est-il pas aussi car il se fiche des honneurs et des médailles et ne fréquente les hommes de pouvoir que pour faire aboutir ses projets .

Sisyphe heureux / Roland Castro

Du même auteur

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Articles de presse


 

Roland Castro

Sisyphe heureux.
Les mille et un projets de ma vie bâtisseuse

Éd. du Canoë, 2021

Lecture par Claire Fourier

REMODELEUR d’espace. – Bourré d’énergie jusqu’à la gueule, tonitruant et travaillant comme un bénédictin, la tête comme une ruche et des fourmis dans les doigts autant que dans les jambes, tel apparaît Roland Castro dans « Sisyphe heureux », sous-titré « Les mille et un projets de ma vie bâtisseuse », publié par Colette Lambrichs aux Editions du Canoë.

L’homme évoque son itinéraire depuis son enfance de petit juif marqué par la guerre jusqu’à aujourd’hui – un « trajet de Rastignac en sens inverse ». Il dit l’appétit de vivre qui lui a fait surmonter les obstacles et se réjouir de succès chèrement acquis.

C’est une vie de passions et de fringale qui défile sous nos yeux. Psychanalyse avec Lacan, relations avec le gratin intello, multiples concours d’architecture, complicité avec les collègues, militantisme révolutionnaire d’extrême-gauche, communisme, affinités de caractère avec Pasqua…
Aménageur de territoires, chargé de missions (Banlieues 89), créateur de clubs (Mouvement pour la Civilisation Urbaine, Mouvement de l’Utopie Concrète), de journaux (Légende du siècle, Lumières de la ville), auteur d’un projet « Paris en grand » qui voudrait réarticuler le « Grand Paris »…

Castro, c’est un attrape-tout. Vas-y que j’te pousse. Et tout y passe (sans que notre attention décroche) dans un franc-parler jeté avec vigueur sur le papier.

L’essentiel étant la vision de l’architecte qui découvre le problème de l’habitat laissé par les années 70.
La BANLIEUE, c’est son truc. Comment remodeler le paysage urbain pour qu’il soit tout simplement vivable et rende les habitants un peu épanouis ?

Car les barres des années 70 avec des coursives censées favoriser le lien social ont tellement imposé le vivre-ensemble que les habitants en furent dégoûtés : « L’obligation de vivre avec l’autre est insupportable », elle doit seulement être possible.
« Les 30 Glorieuses feront 30 Horribles, n’oubliez jamais ça. »

REMODELAGE, maître–mot de la philosophie urbanistique de Castro. Il note que dans les quartiers qu’il a transformés, il n’y eut pas d’émeutes en 2005.

Il insiste sur le fait que si on traite les gens « avec le plus grand respect – qui s'appelle beauté –, beaucoup de soucis et d’humiliations sont effacés ».

Dessins à l’appui, il évoque ses réussites à Lorient (près de la mer, trois barres scindées et agrémentées de jardins, quartiers que l’on fuyait et qui devinrent recherchés), Athis-Mons, Villeneuve-la-Garenne, Boulogne-sur-mer, etc… « Le Castro se vend bien. »

« Sans la fabrication d’un vrai décor, d’une vraie tendresse dans le sourire des bâtiments de la République, celle-ci est désincarnée. »

On chemine en compagnie d’un homme qui avoue échecs et déceptions : tombe « amoureux de Mitterrand, croyant entendre Malraux ». Or, Mitterrand : « Il faut que je vous dise que je déteste Mai 68… Vous et moi, on sait que le pouvoir, c’est de la merde, mais comme on l’a, on va l’exercer… » Croyant satisfaire le président, il lui confie un jour que là où il a remodelé l’habitat, le vote Le Pen est passé à 11%, au lieu de 15% en France. Holà ! Ce recul n’arrangeait pas Mitterrand qui tenait à jeter ses « boules de billard dans les pattes de la droite et ainsi assurer sa réélection » ; ce fut pour Castro un coup de poing dans le ventre. Il dit le « mépris abyssal de Mitterrand pour l’humanité ».

Il parle des « énarcs » comme de « domestiques tigrés « chez qui il a vu « non de la haine, mais du mépris, et le hors-sol, le con ». Il a fréquenté des « monstres de froideur ». Il emmène un jour un énarc à la Courneuve. Celui-ci : « Ne me dis pas que des gens vivent là ! »

Recalé dans nombre de projets, toujours « remontant à cheval », il souligne sans relâche la nécessité de scénaristes urbains, renomme « projets privés d’intérêt public » des projets non directement appuyés par l’État, déplore que rien en France « ne bouge si on n’en fait pas une institution. (« Donner des idées au PS ne sert strictement à rien »).

Il rappelle que dans les Hauts-de-Seine, Pasqua a fait davantage « pour les immigrés fraîchement arrivés que les bien-pensants » et que celui qui fut résistant à l’âge de 16 ans n’eut pas droit, à sa mort, aux honneurs militaires. Il nous apprend que le plus grand nombre de diplômés arabes et noirs est issu de la « fac scandaleuse » des Hauts-de-Seine.

Il dit l’importance des cafés et des échanges qu’ils permettent : « Sans les cafés, pas d’Encyclopédie, pas de parti politique, pas de syndicat ».
Le covid est venu, dit-il, valider sa philosophie de la ville et son « Paris en grand des 3000 villages ».

« Que veux-tu, Roland ? lui demandait un ami. — Je veux être où je ne suis pas. — Ce n’est pas un projet ! »
Eh si. Ce devrait même résumer la vocation de tout architecte.

Il conclut : « j’ai recréé de l’égalité ; en faisant inégal, j’ai restauré le sentiment d’égalité. » Qui dit mieux ?
Et nous de conclure : un tel homme est bien nécessaire.

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