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Éditions du Canoë

Tout vaut la peine si l'âme n'est pas petite
Fernando Pessoa

Martha Le Parc

Martha Le Parc

Née en 1937 en Argentine, Martha Le Parc a étudié trois ans à l’École des Beaux-Arts de Buenos Aires, et quatre ans à l’Académie des Beaux-Arts. En 1959, elle s’installe à Paris avec son compagnon et futur mari, l’artiste Julio Le Parc. En 1969, elle commence à dessiner ses premiers croquis de costumes.
En 1970, une présentation d’une première collection a lieu, parrainée par Paco Rabanne. Dans les années 1970, Martha Le Parc crée les costumes pour plusieurs pièces de théâtre et ballets, signés Carolyn Carlson, Antoine Bourseiller... Par la suite, ses créations sont présentées dans plusieurs expositions personnelles à Buenos Aires, Paris, Cordoba, Sao Paulo, etc. En 2003, le musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne présente une rétrospective de son travail.

 

 

Site Internet : www.marthaleparc.com

 




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Martha Le Parc

éd. du Canoë/Exils, 2018

 

Lecture par Claire Fourier

 

Il y a eu Sonia Delaunay. Il y a Martha Le Parc. Deux femmes artistes – et artisanes – qui partagent le passion du textile, de son toucher, du mouvement des couleurs et de la lumière que favorise, dans les plis et la couture des étoffes, le travail sur la mode. Je partage aussi ce goût (quoique vêtue de noir, le plus souvent). 
Martha Le Parc est la femme, aimante et aimée, de Julio Le Parc, plus connu qu’elle, et la mère de leurs trois fils. Née en 1937, comme lui en Argentine, elle a fait ses études à l’école des Beaux-Arts de Buenos-Aires et suivi, jeune épousée, son compagnon à Paris où ils vécurent pauvrement dans une chambre de bonne. Elle choisit d’abord de seconder son mari, de s’adonner à l’éducation des enfants et mit entre parenthèses ses aspirations personnelles. Ce faisant, elle emmagasinait des idées, intériorisait des observations qui allaient éclore à quelques années de cela.
Martha Le Parc ne peint pas, elle « bâtit », au sens de coudre. Initialement formée par le Bauhaus, Mondrian, Kandinsky, elle fut émerveillée par une visite à Giverny et s’orienta bientôt vers les dégradés de couleurs de l’impressionnisme. D’ascendance syrienne, elle associe dans des patchworks aux couleurs chaudes, audacieuses, l’inspiration ethnique (argentine, indienne, islamique) et les idées de Gropius sur les arts appliqués. Elle travaille les variations optiques comme Julio Le Parc, mais les combinaisons chromatiques de Martha rappellent davantage à la fois Paul Klee et les Nymphéas de Monet. Elle noue ainsi géométrie et fluidité, sévérité et grâce – sans jamais verser dans l’austérité (ce qui m’enchante). 
Elle façonne les rubans, le tulle, la dentelle, le satin, le taffetas, le velours, la soie, les plumes ; elle lace, entrelace, croise, tresse, articule, donne naissance à des formes concentriques, ondulatoires, étoilées, toujours en quête de formes et de couleurs nouvelles. Quelle imagination dans le tissage ! C’est à plat sur une table qu’elle élabore ses figures carrées, losangées, octogonales, hexagonales ; elle suspend ensuite ses « tableaux », et le kaléidoscope en tissu acquiert sur le mur des vibrations, des moires, des reflets inattendus. 
La mode fut le premier langage artistique de Martha Le Parc. Elle réalisait ses propres vêtements. Paco Rabanne, sensible à son utilisation originale des matériaux, la parraina lors d’un défilé. Elle a ensuite créé des robes pour le théâtre, notamment la Phèdre d’Antoine Bourseiller, pour Carolyn Carlson, pour la télévision. Elle va à son propre rythme, ne suivant que sa fantaisie et une grâce innée. 
Amoureuse de la nature, Martha Le Parc coud des libellules, des papillons, des fleurs en tulle coloré, les épingle sur ses tapisseries, jouant avec la fragilité, la brillance de l’étoffe vaporeuse et translucide qui lui est chère. Je vois là une forme de panthéisme (ce qui me ravit). 
Elle aime les rubans ; son atelier regorge de bobines de toutes les couleurs. Elle utilise aussi des broches, pierreries, dentelles, perles, broderies, galons chinés ici et là. Passant un jour au marché Saint-Pierre devant une mercerie qui fermait, elle acheta une montagne de boutons anciens, commença à les intégrer à ses tapis muraux. Travailler les « petits bouts de choses insolites » la passionne.
Sensible au caractère ancestral du textile, Martha Le Parc travaille la mode à contre-courant (si l’on peut dire) et défend avec dextérité un artisanat féminin qui se perd. À travers ses costumes d’art, cette femme généreuse se plaît à saluer les ouvrières modestes qui fabriquent les tissus qui nous habillent : une de ses expositions s’appelle « Hommage aux petites mains silencieuses ». 
Elle dit des choses très belles, fortes de leur évidence : elle dit préférer la mode à la peinture car la robe bouge, se balance, respire, prend vie sur la femme, tandis que le tableau est fixe. Elle dit : « Un vêtement peut éveiller des sentiments, des émotions, avoir le son d’une musique particulière liée au corps qui l’a porté. » Elle dit : « La mode est un art total ». Elle dit : « C’est un devoir humain de donner de la joie » ; un vêtement très simple peut en donner. (Combien je partage !) 
Il me faut ici être brève. On aura compris que (sans l’avoir rencontrée) j’aime beaucoup Martha Le Parc, la femme et son œuvre, ce goût du travail rigoureux et bien fait, et que la lecture de l’album, très bien fait aussi, qui lui est consacré, m’a réjouie. 
Je finirai sur l’exemplarité de l’artiste en disant que les créations de Martha Le Parc éveillent en nous l’envie de créer. À une époque où nous tendons à être moins habillés que fagotés, cette artisane du textile nous signifie qu’il n’y a pas de teneur sans tenue, et elle relance en nous le souci de l’harmonie, de l’élégance. Elle avive le respect qu’il nous faut avoir de l’habit que nous donnons à voir (reflet de notre monde intérieur) et qui peut illuminer le regard posé sur nous. – Là n’est pas le moindre des mérites de cette femme tellement femme qui dit ceci qui est splendide : « Rien qu’avec des tissus, on peut rendre le monde meilleur. »
Martha Le Parc, préface de Domitille d’Orgeval-Azzi, Editions du Canoë / Éditions Exils, septembre 2018, 160 p., 25 euros.

Claire Fourier

 

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